Changement de lieu de travail.
Est-il légalement possible pour un employeur d'imposer à un salarié un changement de lieu de travail, situé dans le même département et distant de seulement 35 kilomètres ?
CSE
Est-il légalement possible pour un employeur d'imposer à un salarié un changement de lieu de travail, situé dans le même département et distant de "seulement" 35 kilomètres ?
Pour rappel, la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a une valeur essentiellement informative, à moins qu'une clause explicite et précise ne stipule que le salarié est exclusivement affecté à cet endroit (Cass. soc., 26 sept. 2006, no 04-46.734 ; Cass. soc., 26 oct. 2011, no 09-71.322). En principe, cela n'entrave pas la possibilité pour l'employeur de proposer une mutation au salarié dans le même secteur géographique, ce qui devient alors une obligation pour le salarié, normalement non susceptible de refus. Cependant, si la mutation concerne un secteur géographique distinct, l'accord préalable du salarié est requis. La notion de secteur géographique n'étant pas définie légalement, il revient aux juges de décider si la mutation s'inscrit, ou non, dans le même secteur géographique. Pour évaluer si les secteurs géographiques sont identiques ou non, les juges prennent en considération :
La distance entre le nouvel emplacement et l'affectation précédente,
L'appartenance (ou non) des deux lieux de travail au même bassin d'emploi,
Les moyens de transport desservant les lieux et la durée supplémentaire de trajet que représente pour le salarié le fait de se rendre sur son futur lieu d'affectation.
Cette évaluation se fait au cas par cas, comme l'a souligné un arrêt du 24 janvier 2024 (Cass. Soc. 24.01.2024, N° 22-19.752). Dans cette affaire, une salariée avait été licenciée pour faute grave suite à son refus d'intégrer son nouveau lieu de travail. Contestant cette décision, la salariée avait porté l'affaire devant la juridiction prud'homale. La cour d'appel avait accédé à ses demandes, qualifiant la rupture du contrat de travail comme une rupture abusive. Selon les juges, le lieu de travail auquel la salariée était affectée se trouvait dans un secteur géographique différent de son lieu précédent, puisque :
Les deux communes étaient éloignées de 35 kilomètres et situées dans des bassins d'emploi distincts,
Le covoiturage était difficile en raison des horaires de travail,
L'employeur n'avait pas fourni de preuve démontrant l'accessibilité des transports en commun aux horaires de travail de la salariée,
L'utilisation du véhicule personnel entraînait, en raison des horaires et de la distance, des contraintes supplémentaires en termes de fatigue et de frais financiers.
La Cour de cassation a validé ce raisonnement, confirmant que la salariée avait le droit de refuser l'intégration dans ce nouveau lieu de travail situé à 35 km du précédent, difficilement accessible.
"En l’état de ses constatations relatives à la distance séparant les deux sites et aux moyens de transport les desservant, la cour d’appel, qui a fait ressortir qu’ils ne faisaient pas partie du même secteur géographique, en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches du moyen, que l’employeur avait commis une faute contractuelle en imposant un nouveau lieu d’affectation à la salariée et ne pouvait lui reprocher son refus d’intégrer le site sur lequel il avait décidé de l’affecter."
En conséquence, la Cour a conclu que l'employeur avait commis une faute contractuelle en imposant un nouveau lieu d'affectation à la salariée, justifiant ainsi son refus d'intégrer le nouveau site et invalidant le licenciement pour faute grave. L'employeur a été condamné à verser des dommages-intérêts à la salariée.
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