Adecco condamné pour racisme
Adecco condamné pour avoir mis en place un « filtrage basé sur la couleur de peau » de ses intérimaires
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Adecco condamné pour avoir mis en place un « filtrage basé sur la couleur de peau » de ses intérimaires
L'essentiel
L'une des agences d'Adecco, géant mondial de l'intérim, située à Montparnasse, a été condamnée pour avoir mis en place un système de "filtrage basé sur la couleur de peau" de ses intérimaires. L'affaire remonte à la fin des années 1990, lorsque des codes ont été attribués aux intérimaires en fonction de leur couleur de peau : "BBR" pour les blancs et "PR4" pour les noirs. Environ 500 intérimaires auraient été concernés par ce fichage ethnique entre 1997 et 2001.
L'affaire a été portée devant le tribunal correctionnel de Paris après plus de 23 ans de procédure. L'agence a été condamnée à 50 000 euros d'amende, tandis que les deux directeurs ont écopé de 10 000 euros d'amende chacun. Malgré la gravité de la situation, la pratique de la discrimination à l'embauche reste répandue et la décision de justice soulève des questions sur l'efficacité des mesures pour dissuader de telles pratiques.
Une action volontariste des pouvoirs publics pourrait être nécessaire pour mettre un terme à cette problématique.
Tri ethnique
Ce fichage ethnique aurait concerné environ 500 intérimaires entre 1997 et 2001, mais seules une quinzaine de victimes se sont portées partie civile. De renvois en non-lieux, la procédure judiciaire aura duré plus de 23 ans. Le verdict a finalement été rendu ce mercredi 13 mars 2024 par le tribunal correctionnel de Paris.
L'affaire prend ses débuts en septembre 2000, lorsque Gérald Roffat, stagiaire en charge des recrutements, alerte l'association SOS Racisme sur les pratiques discriminatoires au sein d'une agence du 14e arrondissement de Paris, qu'il vient de quitter. Il dénonce spécifiquement Adecco Montparnasse, une agence spécialisée dans le recrutement en hôtellerie et restauration, où il affirme que les salariés noirs sont classés dans une catégorie distincte.
Selon ses déclarations, un système de discrimination étendu est en place, où chaque intérimaire se voit attribuer un code par le chargé de recrutement : "PR1" pour "très bonne présentation physique et orale", "PR2" pour "présentation moyenne", "PR3" dont la signification n'est pas clairement définie, et "PR4" pour les personnes noires, comme l'explique Samuel Thomas, alors président de SOS Racisme. Ce dernier a recueilli le témoignage de Gérald Roffat et a dirigé toute la procédure. Lorsqu'un client d'Adecco demandait un intérimaire, il pouvait spécifier : "Pas de PR4", selon les déclarations du stagiaire, qui dénonce un "tri ethnique" dans son témoignage écrit.
La justification des directeurs
Les entreprises qui faisaient appel à cette agence ne souhaitaient pas recruter de personnes noires pour des postes trop exposés, en particulier ceux en contact direct avec la clientèle.
Les directeurs de l'agence de Montparnasse, ont admis que le fichier PR4 existait, tout en affirmant qu'il ne classait pas les intérimaires en fonction de leur couleur de peau mais en fonction de compétences professionnelles, notamment la maîtrise du français. L'argument n'a pas convaincu les juges : la société Adecco a été condamnée à 50 000 euros d'amende, les deux directeurs à 10 000 euros d'amende chacun, dont 7 000 avec sursis.
Pour rappel, la discrimination à l'embauche est un délit passible de 45 000 € d’amende et de cinq ans d’emprisonnement (article 225- 1 du code pénal). Bien qu'illégale, la pratique reste répandue et une décision de justice avec une absence de condamnation des donneurs d’ordre (clients de la société d’intérim) après 23 années de procédure n’est pas de nature à inciter les employeurs à cesser ou à ralentir ces pratiques.
Seule une démarche volontariste des pouvoirs publics en la matière pourrait la ralentir, encore faut-il qu’elle soit dans leurs agendas ou priorités, ce qui ne semble manifestement pas être le cas.
Procédure à suivre en France en cas de discrimination à l'embauche
En France, si une personne pense avoir été victime de racisme lors du processus de recrutement et n'a pas été embauchée à cause de cela, voici les démarches plus précises qu'elle peut entreprendre :
- Contacter une association spécialisée : Des associations telles que SOS Racisme, la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), ou le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) peuvent fournir un soutien et des conseils juridiques à la personne discriminée.
- Consultation juridique : La personne peut consulter un avocat spécialisé dans le droit du travail ou dans la lutte contre la discrimination. Certains avocats proposent des consultations gratuites pour les victimes de discrimination.
- Dépôt de plainte : La victime peut déposer une plainte auprès du Défenseur des droits, ou auprès du procureur de la République. Elle peut également saisir le Conseil de Prud'hommes.
- Collecte de preuves : Il est important de rassembler toutes les preuves possibles de la discrimination subie, comme des échanges d'e-mails, des enregistrements téléphoniques, des témoignages de tiers, etc.
- Sensibilisation des médias : En fonction de la situation et de la gravité de la discrimination, la victime peut choisir de médiatiser son cas en contactant des médias ou des journalistes spécialisés dans les questions sociales.
En France, la législation interdit formellement toute forme de discrimination à l'embauche en raison de l'origine, de l'ethnie, de la couleur de peau, de la religion, du sexe, de l'âge, etc. Les victimes de discrimination disposent de recours juridiques pour faire valoir leurs droits et obtenir réparation.
MERCI
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Malgré l'affaire Adecco, les discriminations au travail demeurent une réalité. Samuel Thomas, responsable associatif, souligne que les pratiques discriminatoires continuent d'exister, bien que les méthodes aient évolué. Il évoque les tests réalisés pour des postes de chef de cuisine, où des candidats avec des profils identiques ont été traités de manière différente en fonction de leur nom.
Cette observation est partagée par Esther Kouablan, Directrice du MRAX, qui constate que les discriminations s'adaptent aux circonstances, rendant parfois les victimes réticentes à poursuivre en justice.
Effectivement, lorsque l'on constate qu'il a fallu 23 années de procédure judiciaire avec des preuves accablantes pour que les directeurs se voient infliger une amende de 10 000 euros, dont 7 000 euros avec sursis, on est en droit de se demander si le système judiciaire n'est tout simplement pas défaillant et ne protège plus les citoyens français.
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