Messagerie professionnelle en usage personnel, quid du harcèlement ?

L'utilisation des outils de messagerie professionnelle à des fins personnelles peut soulever plusieurs questions, notamment celle de la qualification de harcèlement au travail.

CSE

10/19/20244 min lire

person holding pencil near laptop computer
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Messagerie professionnelle en usage personnel, quid du harcèlement ?

L'essentiel

Dans l'affaire Sté SPB France c/ K (Cass. soc., 25-9-2024, n° 23-11.860 FS-B), le licenciement pour faute grave d'un salarié a été examiné avec complexité en raison des droits liés à la vie privée et aux obligations professionnelles. Le salarié a été licencié pour plusieurs motifs graves, l’un des éléments clés du licenciement étant l'envoi de courriels contenant des images et des liens à caractère sexuel.

a person using a laptop
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Déroulement de l'affaire :

Le salarié avait échangé des courriels privés, comportant des blagues sexistes et des images à connotation pornographique, avec du personnel de l'entreprise, plus particulièrement avec un subordonné, mais aussi avec des personnes extérieures à l'entreprise. Pour l'envoi de ces courriels, le salarié avait utilisé les outils informatiques mis à disposition par l'entreprise. Bien que ces messages aient eu une connotation sexuelle, ils n’étaient pas considérés comme du harcèlement sexuel, mais comme des communications privées inappropriées.

Le salarié a contesté son licenciement. La cour d'appel a confirmé le licenciement en se fondant sur la violation par le salarié de la charte interne de l’entreprise relative à la prévention du harcèlement sexuel. Cependant, la Cour de cassation a annulé cette décision en 2022 (Cass. soc., 2-2-2022, n° 19-23.345), estimant que les faits ne relevaient pas du harcèlement sexuel. L'affaire a été renvoyée devant une autre cour d'appel, qui a jugé le licenciement nul, invoquant cette fois-ci une atteinte à la liberté d'expression du salarié. L'employeur s'est alors pourvu en cassation.

five person by table watching turned on white iMac
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Décision de la Cour de cassation (septembre 2024) :

Le 25 septembre 2024, la Cour de cassation a de nouveau cassé la décision de la cour d'appel, mais pour une autre raison : le licenciement violait le droit à la vie privée du salarié, et non sa liberté d'expression.

L'argument central reposait sur la protection des courriels personnels du salarié par le secret des correspondances, même dans le cadre du travail. Conformément à l'article L 1121-1 du Code du travail, tout salarié bénéficie du respect de l'intimité de sa vie privée, y compris au travail. Ce droit implique notamment le secret des correspondances. Les courriels qui sont identifiés comme personnels ne peuvent être consultés par l’employeur sans violer cette liberté fondamentale, même si l'utilisation non professionnelle des outils informatiques a été interdite par l'employeur.

red heart illustration
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MERCI

a person sitting at a table with a laptop
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Protection de la vie privée vs obligations contractuelles :

La Cour de cassation a rappelé que, sauf manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail, un motif lié à la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire. Dans cette affaire, les courriels litigieux avaient un caractère privé, ne visaient aucune personne en particulier, et ne comportaient aucun contenu répréhensible pénalement.

Ainsi, le licenciement fondé sur ces courriels personnels violait le droit au respect de la vie privée, ce qui entraînait à lui seul la nullité de la mesure. La Cour a aussi souligné que les propos échangés dans une conversation privée, via des courriels ou sur les réseaux sociaux, ne pouvaient pas constituer un manquement aux obligations professionnelles du salarié.

closeup photo of silver iMac
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Conclusion :

Cette affaire rappelle l’importance des droits fondamentaux des salariés, notamment le respect de la vie privée au travail. Même si un employeur peut consulter certains fichiers professionnels, il ne peut sanctionner un salarié pour des éléments relevant de sa vie privée, sauf en cas de faute grave liée à l'exécution du contrat de travail.

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